Nous avons envie de vous raconter un projet de mutualisation de services numériques au sein d'un secteur d'activité. Pour le plaisir de l'histoire, imaginons qu'il existe en Belgique une Fédération des Organisateurs de Fondues Au Chocolat, la FOFAC.
Nous aurions pu tout aussi bien vous parler de projets de type public-privé, de groupements d'employeurs ou d'associations... La coopération numérique peut porter des fruits auprès de nombreuses activités partageant des intérêts communs.
La FOFAC est une fédération professionnelle pas comme les autres, elle représente les intérêts de passionnés du chocolat, mais aussi d'acteurs engagés humainement et socialement pour des fondues fairtrade et durables, la préservation d'un patrimoine, et la qualité de l'emploi en Belgique. Au sein de ce secteur, il y a des acteurs de toutes tailles, et avec divers moyens financiers.
Dans le secteur très spécifique de la fondue au chocolat, il y a des besoins technologiques bien spécifiques que l'on ne trouve pas dans les logiciels standard sur le marché.
Il serait optimal pour tout le secteur de disposer de logiciels sur mesure.
Quand on parle du défi numérique, il y a des remous à l'Assemblée générale...
Certains acteurs ne voient pas l'utilité d'une solution numérique pour leur activité. Ils ont appris à gérer le débit de leurs fontaines de chocolat avec un crayon et du papier.
D'autres ont déjà payé, parfois très cher, le développement d'un outil sur mesure propre à leurs besoins fonctionnels.
D'autres enfin ne dégagent pas un revenu suffisant pour investir dans une solution numérique et redoutent de voir leurs concurrents s'emparer des opportunités.
Faire émerger les gains rapides d'une coopération
La coopération peut porter des fruits bien au-delà du numérique, et la FOFAC a été mise sur pied dans le but de défendre les intérêts du secteur tout entier. Elle a déjà réussi à mettre en place une filière d'achat fairtrade de chocolat à fondre, et un renforcement de la qualité des fontaines à fondue.
Pour le numérique aussi, la coopération est fertile en avantages, même s'ils semblent moins tangibles que des tablettes de chocolat. Le premier défi de la FOFAC est de convaincre ses membres de l'utilité de coopérer :
Le gain le plus évident est la réduction des coûts (conception, déploiement et maintenance), pour autant que la mutualisation soit gérée avec une bonne gouvernance veillant au bénéfice de toutes les parties prenantes
Une réponse collective à des besoins similaires est plus efficace que des solutions multiples et redondantes
La mutualisation permet de mieux répartir les risques liés aux investissements technologiques.
Une solution mieux financée sera plus polyvalente et plus efficace. Le rythme de conception sera sans doute aussi plus rapide
Les solutions déjà développées par certaines parties peuvent être mutualisées et améliorées dans un projet plus abouti
La mise en commun des besoins fonctionnels est l'occasion d'un partage de compétence qui rend le secteur plus résilient.
Un projet plus ambitieux, porté par la FOFAC, pourra être suivi de manière plus assidue par un porteur de projet dédié, que les entreprises individuelles n'auraient peut-être pas chacune consacrée à leur digitalisation
Identifier les besoins communs
La Fédération dresse une liste des besoins communs. Elle identifie
- Le périmètre : l'étendue ou la gamme des fonctionnalités qui seront partagées entre les parties prenantes
- La profondeur : le niveau de détail et la qualité des fonctionnalités ou services partagés (complexité, richesse, degré d'automatisation attendus).
La mutualisation sera pertinente si elle touche un large périmètre (les acteurs concernés ont de nombreux besoins communs) et s'ils ont des besoins profonds (ils ne trouveront pas de logiciel standard sur le marché). Pour cette raison, elle est moins pertinente lorsque les parties prenantes ont des tailles d'activités très variables.
Dans cet exemple, les chocolatiers décident que deux outils leur manquent pour bien exercer leur métier : un relevé en temps réel des capteurs de température intégrés à leurs fontaines de chocolat, et un outil sûr pour garantir le respect des normes sociales dans leurs filières d'approvisionnement. Ces deux outils n'existent pas sur le marché et sont assez spécifiques et importants pour qu'ils jugent utile de les mutualiser.
Un risque à identifier à ce stade est de ne pas bien prendre en compte les différents niveaux d'utilisateurs, ou de se concentrer sur les plus verbeux.
Besoin ne veut pas dire demande
À ce stade, soit la FOFAC organise des ateliers rassemblant ses chocolatiers pour identifier exactement l'outil dont ils ont besoin pour exercer au mieux leur profession.
Il est nécessaire à ce stade de bien identifier les enjeux de travailler ensemble. Le projet a plus de chances d'aboutir si les entités impliquées présentent des caractéristiques similaires.
Au terme des ateliers, on a identifié exactement ce dont les chocolatiers ont besoin, qui n'existe pas encore sur le marché, et mérite qu'ils y consacrent des ressources communes.
Des chocolatiers concurrents peuvent se mettre d'accord pour financer ensemble certains outils (les plus gros points sur le graphe ci-dessus), tout en préservant jalousement la recette de leur chocolat, ou leurs filières d'approvisionnement.
Qu'est-ce qui va faire le succès du projet ?
Le succès à long terme des initiatives de mutualisation dépend en grande partie du respect continu des engagements pris par toutes les parties. Ces engagements (financiers, en temps et en ressources, en accès aux données...) doivent être clairement établis au lancement du projet, et une personne est désignée pour veiller au bon suivi des échéances.
Un souci d'équité dans l'allocation des ressources humaines et financières est aussi un facteur clé de la réussite.
Une culture de collaboration dynamique
DigiCoop soutient la FOFAC dans le développement du projet, en proposant à la fois des experts en informatique, mais aussi en co-développement et en gestion de projet. Il s'agit non seulement d'assurer la réussite technique du projet, mais aussi une gouvernance bien définie.
Les rôles doivent être clairement définis, on identifie notamment :
- Le chef du projet dans sa globalité
- Le facilitateur de projet dans les cercles où les besoins ont été définis (ici, un facilitateur auprès de la filière "Achats" et un autre facilitateur auprès de la filière "Qualité chocolat").
- Les conseillers techniques externes
- Le sponsor du projet : une personne-ressource qui vérifie que la dynamique globale fonctionne sans interférer sur les résultats, et servant d'arbitre en cas de blocage.
Et ensuite ?
La FOFAC et les experts de DigiCoop ont du chocolat sur la planche, ils travailleront à la création d'un logiciel en consultant régulièrement les chocolatiers pour les inclure dans le développement et le test de la solution.
Au cours des ateliers, des éléments de solutions émergent, de bonnes idées sont partagées. Quelques fraises finissent noyées dans le chocolat, aussi.
Grâce à de bonnes pratiques de gouvernance, l'outil sera ensuite mis à disposition des membres de la FOFAC, avec les formations et l'accompagnement nécessaires, mais aussi la maintenance de l'application au fil des années.